Akio - Le mistral japonais.
- celine847
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- 16 août
- 10 min de lecture
Ma vie ? Une merde internationale. J’ai perdu la fille, la gloire et même l’envie de me lever le matin. Résultat : je végète dans une coloc’ avec deux boulets qui ont fait de moi leur sport national. Entre blagues pourries, pièges débiles et soirées qui partent toujours en sucette, je pensais avoir tout vu. Jusqu’à ce que le passé débarque, maquillé comme une diva et prêt à foutre mon équilibre déjà bancal en miettes Et moi, devine quoi ? Je suis pas prêt. Pas prêt du tout.
Spin-off de Le coloc’, garanti 100 % vannes assassines, situations improbables et coups de pied au cœur.
1- Ma vie, c’est d’la merde.[1]
Akio
Y a des fois comme ça où je me dis que si l’on savait transformer la connerie en énergie, en branchant une prise dans le cul des cons, on éclairerait le monde.
Parfois, je me dis aussi que le plus gros fournisseur pourrait bien être Gavin.
Visant le gobelet en carton avec ma capsule de bière, je me branle de gagner le prix du japonais le plus bridé de Marseille. Ce soir, les mecs me cassent les burnes puissance cinq cent avec ça. Je suis Marseillais d’origine japonaise, et je les emmerde. Enfin, pour être honnête, c’est Gavin que j’emmerde copieusement, sachant que c’est de lui cette idée idiote du prix des « territoires internationaux ». En termes de soirée merdique, on touche le fond ! Déjà qu’on y était, là, on creuse dix lieux en dessous... Si profond que je touche presque du bout des doigts les couilles de Satan.
— Joue un peu le jeu, grogne Gavin. T’es nul, ce soir. Même JP te bat à plate couture. Franchement, que le clergé français remporte les sushis du Japon, ça fait chier.
— Je continue à dire que ses prix sont très dégradants, rumine JP depuis une demi-heure. Le clergé, sérieux...
— Ben quoi, tu préférais le prix du chaussé au moine ?
— Pff... franchement, c’est abusé...
— C’est marrant...
Ou pas.
— Raciste, et insultant pour les religieux, bougonne JP.
— On ne les insulte pas, on leur remet des prix ! rigole Gavin. Les racistes sont des cons. Je ne suis pas con, donc pas raciste. CQFD.
— Et dire à Akio qu’il est un bouffeur de nems, c’est pas raciste, peut-être ?!
— Je mange des nems... me défends-je tout de même.
— Et du riz, rigole Gavin.
— Va te faire foutre ! m’énervé-je.
— Donc, si je comprends bien, les nems, c’est pas raciste, mais le riz, si ?! meugle JP, totalement scandalisé.
— Ben, clairement, enchaîne Gavin. Pardon, Akio d’avoir heurté ta culture.
— Connard.
— Je ne comprendrai jamais rien à votre manière d’exister, soupire ce pauvre JP.
Et là, Gavin creuse encore plus profond, je crois :
— C’est simple pourtant. Les nems, c’est frit dans l’huile. Et le riz, c’est cuit à la rizeuse.
Bon OK, l’air intrigué et dépité de JP face à cette explication douteuse m’arrache un sourire. En plus, Gavin prend le temps de le laisser mariner. J’adore la marinade de JP, c’est toujours très goûtu. Autant sa manière de cuisiner la bouffe que celle de Gavin de cuisiner la personnalité de notre cuistot préféré. Là, ça promet d’être un entremets délicieux. JP à point, Gavin se permet d’enchaîner :
— Ben si, tu sais... Rapport au passé... à l’Histoire... Le génocide des Japonais à l’huile bouillante... Gros ravage de 1745 à 1850.
— Mais c’est quoi cette histoire, encore ?!
Si c’était humainement possible, les yeux de JP tomberaient sur le sol tant il les écarquille. Il ne va pas beaucoup dormir pendant des jours. Sacré Gavin. Et moi, branleur que je suis, j’écoute avec malice le suédois ajouter la sauce à notre curé préféré :
— Notre Histoire... Tu sais, celle qu’on apprend au collège[2]... L’homicide des Japonais. Je ne vois pas quoi ajouter d’autres.
Le regard de notre pauvre ami passe de Gavin à moi qui fais semblant d’avoir enterré la moitié du Japon. Pour ça, je suis doué, il n’y voit que du feu. Je me permets même un long soupir, en plus de ma tronche endeuillée. Là, je l’ai achevé...
— Mais vous charriez, hein ?!
— Ben non, pas du tout ! Tu rigoles, là ? Du coup, en parlant de nems, ce n’est pas raciste, c’est un genre d’hommage, mais lorsque tu parles de riz, tu rappelles à ces personnes combien chaque grain comptait lors de la famine de 1748. D’ailleurs, les frères et sœurs de l’arrière-arrière- arrière-arrière-grand-père d’Akio sont morts de cette famine... Terrible.
— Mais non ??!
JP n’est pas du tout stupide, loin de là. Mais il est crédule. Très crédule. La méchanceté n’existe pas dans son univers. Tout ce qu’on lui dit est d’abord assimilé comme une vérité, car il ne peut pas considérer que ses amis lui mentent. C’est moche de jouer là-dessus, mais on refait pas mal de soirées grâce à lui. C’est sans doute méchant, mais jamais dans le but de le blesser. Il le sait, et en rit de bon cœur. Parfois.
— Si. C’est terrible. Terriiiiiiiiible... s’amuse encore Gavin.
Putain, qu’il est con, encore plus que moi... Il va aller jusqu’où comme ça ? Les yeux de JP vont réellement sortir de leurs orbites. On dit que si cela arrivait, on ne verrait même pas le noir, on ne verrait rien. Mais c’est quoi RIEN ? Long débat eu en soirée la semaine dernière où aucune réponse n’a pu être apportée. Gavin a suggéré qu’on teste sur moi, et JP l’a pris au sérieux, au moins une minute, avant de se maudire lui-même d’avoir couru. J’ai bien cru qu’il allait appeler les flics ! J’en reviens à cette blague d’anthologie. Franchement, on devrait filmer, de temps en temps... ça animerait les longues soirées d’hiver...
— Tu n’écoutais pas en classe ? Je crois que c’est le dernier cours que j’ai donné à mes élèves.
— Mais pas du tout. Du tout ! Là, je ne comprends plus rien. J’ai vraiment oublié tout ça, faut dire que je n’ai que très peu de souvenirs des cours...
Le voilà à attraper son téléphone, le mec est en sueur. Faut dire qu’un génocide oublié, ce n’est pas rien, j’en conviens...
— Bing[3], peux-tu me parler du génocide japonais de 1745 et de la famine de 1748, toujours au Japon ? Je suis indigné !
Un coup d’œil à Gavin m’amuse, il sait qu’il est grillé. Bing répond aussitôt que ses recherches sont infructueuses, et JP repose tout de même la question trois fois. Toujours le même résultat. Moi, je m’en étoufferais presque, à retenir mon rire. Je suis un connard ? On peut effectivement le dire comme ça. Il nous fixe l’un après l’autre, puis finalement le voilà qui éclate :
— Digne d’Hollywood votre cirque ! C’est honteux ! Honteuuuuuuuuux ! Et je continue à dire que ces prix le sont également !
Cette fois, je ne retiens plus rien, laisse échapper un rire qui se veut plus grave que désiré, avant de taper dans la main de Gavin. On l’a bien eu. On se calme un peu avant que mon ami le plus con lui réponde :
— Tu as gagné le prix du mec le plus romantique... Je ne vois pas en quoi, c’est dégradant...
— Oui, ce prix passe encore ! On en parle du tien ? Toi, tu as remporté celui de la pièce détachée la plus pratique à enfiler, Gavin ! Je persiste, c'est dégradant...[4]
— Bon, le Ryukin, tu te concentres ? Je te disais avant de nourrir le côté inculte de JP, que ce n’est pas possible de rater un trou de si près… J’imagine pas au pieu ! gronde Gavin.
— C'est quoi encore le Ruykin ?[5] demande JP.
Je ne réponds rien, parce que si je dis que je connais ce machin japonais, je vais me faire charrier à mort. Plutôt que de réagir, je zappe donc pour trouver une émission valable. Vainement. Ah non, on parle de la grossesse d’Oxanne sur M6. Ce n’est pas vraiment valable, mais ça réchauffe mon cœur. L’aventure américaine me manque à mort. C’est leur faute, ce bordel ! Des années sous les feux des projecteurs, la folie de la scène, la gloire, l'argent à profit, et ils décident de se mettre en pause pour profiter de leur parentalité à venir. Le pire, je crois, c'est de passer pour le mec le plus banal de France. Personne ne me reconnaît jamais, alors que même JP signe des autographes dans les rues d’Annecy où nous sommes de retour depuis quelque temps. Non, mais sérieux ! JP signe des autographes, car toute la team est célèbre. Personne n’est dans l’ombre. Enfin presque. Moi, personne ne me voit depuis notre retour. Oui, je l'ai mauvaise ! J’aimais signer des autographes, merde ! J’adore la sensation d’être sur le devant de la scène, leurs yeux admiratifs, parfois dingues, sur moi. Je ne dis pas qu’on tombait dans les pommes lorsque j’apparaissais, ça c’était réservé à Caleb, mais je faisais quand même mon petit effet. À mon niveau, la gloire avait ce goût-là. Je n’aurais jamais pensé pouvoir monter plus haut. Putain, que cette vie-là me manque...
— Allez, j'ai loupé ça, et j'aime pas du tout être dans l'ignorance... Si c’est un nouveau surnom, je dis non ! peste JP, visiblement encore bloqué sur le Ruykin.
— Tu ne loupes pas grand-chose, lui répond ce traître de Gavin.
— C’est pas cool... ça a un rapport avec la queue, je parie...
— Rien à voir. C'est un poisson japonais. Qui a une queue. Comme tout poisson. Même la petite sirène a une queue, expliqué-je.
— Rhoooooo, Gavin, c'est nul. Je vais prendre une douche, explique-t-il en se relevant. Personne ne gagne de prix ce soir. Ce n’est absolument pas méri... Aaaaaah, hurle-t-il en passant la porte de la salle de bain. QUI A MIS CE SALADIER DÉBORDANT DE FARINE SUR LE DESSUS DE LA PORTE ?! JE SUIS ENCORE TOUT ENFARINÉ ![6]
Je ne peux qu’émettre un rictus face à sa gueule toute blanche. Gavin se marre carrément. La blague la plus conne de l’année marche à chaque fois.
— Tu es incorrigible et c'est toujours à mes dépens !
— Pas toujours. Hier, c'était au tour d’Akio.
Mon rictus se perd instantanément dans l’inquiétude de cet aveu. Gavin ne parle jamais pour ne rien dire. S’il dit que j’ai pris cher hier, c’est que c’est vrai. Il bave quoi, encore ?! Je le fixe sans comprendre de quoi il parle, mais pas dit que je veuille réellement comprendre ce chacal... Il hausse les épaules, comme si ses blagues débiles n’avaient strictement aucune importance. Sauf qu’avec lui, ça peut aller loin !
— Ben parle, tu ne vas pas me l’avouer l’année prochaine, si ?!
— T'étais allumé, j'en ai profité... explique-t-il.
— T’as foutu quoi ?!
— Tu le sauras vite, ricane-t-il. C'est qui ce soir ?
— Non, mais regardez-moi ce désastre... Gâcher de la farine pour escagasser un ami, franchement, je suis dépité.
— Annie, réponds-je sans me préoccuper des tourments de JP qui tente de nettoyer le bordel.
— ♪ Annie aime les sucettes... ♫, chante Gavin.
— Ta gueule.
— C’est fou quand même cette histoire, lâche-t-il avant d’en revenir au bide arrondi d’Oxanne.
Et il se tait. Putain qu’il m’énerve quand il fait ça. De plus en plus souvent. Je suis même certain qu’il le fait exprès. Aucune preuve à l’appui, lui ne se rend compte de rien ou fait genre qu’il n’a rien dit de spécial.
— Quoi ? grogné-je.
— Quoi, quoi ? dit-il sans détourner les yeux de l’écran.
— Ben, qu’est-ce qui est fou ?
— Ah ça... Cette histoire. C’est fou.
— C’est hyper chiant à nettoyer la farine, en plus !
Il devrait y avoir des raisons légitimes pour tuer. Des genres d’alibis valables. Un ticket chacun par an. Il sait très bien ce qu’il fait, l’animal, et comme je veux réellement savoir ce qu’il trouve de dingue dans MON histoire, j’insiste, sachant très bien que cela lui procure un plaisir immense. Il prend son temps, zieute son téléphone avant de ramasser un coussin en pleine gueule. Faut pas abuser non plus !
— Mais quoi ?!
— ♫ I believe, I can fly ! ♪ s’égosille l’autre, désormais sous la douche.
— Il chante plutôt bien, comparé à toi, rigole Gavin.
— Va te faire foutre. Alors, c’est quoi ?!
— Hein ?
— Putain, t’es con, hein !
— J’avoue. C’est si facile avec toi.
J’en étais certain ! Quel enfoiré !
— Accouche.
— Ben, c’est fou combien tu peux plaire aux nanas, mais qu’aucune ne sache qui tu es. C’est tout ce que je me disais.
Je me renfrogne, ce n’est juste pas possible de me faire chier même dans ce que je ne dis pas.
— Je sais que toi non, mais je suis content de cette pause forcée, en vrai. Annecy me manquait. L’appart me manquait. Même madame Germain me manquait. Elle fout quoi sur son balcon, là, d’ailleurs ? demande Ducon 1er du nom, alias Gavin que je nommerai désormais ainsi.
— Rien à foutre. Je ne lui parle plus.
— Pourquoi ?!
— Elle dit que je suis un connard de japonais qui a brisé le cœur de Sacha.
— Ben, elle n’a pas totalement tort, en vrai.
— Kieusero ![7]
— Je peux aller embrasser ton cul autant que je veux, c’est pas faux.
— Depuis quand tu parles japonais, toi ?!
— Depuis que je retiens tes insultes, à force.
— Pff.
— Je sais même dire, petite bite, fanfaronne-t-il.
— Ah oui ?
— Ouais.
Je suis impressionné, en vrai. Lui qui n’a jamais voulu apprendre l’anglais correctement, prétextant une flémingite aiguë, il comprend le japonais. Chapeau ! Sauf qu’il continue à se terrer dans le silence, ce trou duc.
— Et ?!
— Et quoi ?
Putain de suédois de mes burnes ! Il doit comprendre que je suis énervé, car il enchaîne :
— Akio.
— Quoi, Akio ?
— En japonais, petite bite se dit Akio. Suis un peu, aussi.
— Va chier, connard !
Ça sonne à l’interphone durant cet interlude amical, c’est Annie, j’en suis sûr. Je n'ai plus qu'une idée en tête, celle de me faire pomper jusqu'à en oublier le pathétisme de mon existence.
Ouais, ma vie, c'est de la merde ! Je n’ai jamais dit le contraire. Il y a ce qu’on appelle le Karma, et je ne sais pas ce que j’ai pu faire dans cette vie ou une autre pour qu’il me revienne en pleine tronche, mais j’ai dû sacrément doser le truc.
— Tiens, v’la madame sucette... se marre le suédois.
— ♫ I’m too sexy for Anna, too sexy for Virginiiiiiiiiiiiie ♪.
Je hais ces mecs, mais sans doute moins que le pathétisme de mon existence.
[1] Démarrage haut en couleur... J’avais prévenu que je n’allais pas les enrober dans des draps de soies...
[2] Pour rappel, Gavin était prof avant d’entrer dans son heure de gloire.
[3] Qui ne connaît pas Bing ? C’est lui qui écrit mes romans, voyons. C’est bien connu qu’une I.A peut remplacer Cami. Mou ah ah ah. Qui l’a cru ?
[4] Ikéa…
[5] Bonne question ! Peut-être qu’on aura la réponse un peu plus bas ? Oui, je sais, c’est une note de bas de page complètement idiote, mais qui valide la liberté d’expression, alors va falloir faire avec.
[6] Hi, hi, hi le pauvre. Y a des personnages comme ça, ils subissent le harcèlement de l’auteure. Voilà, je l’admets, je maltraite ce pauvre JP et en plus, je ris de ça. Oui, je sais, le dernier tome se termine plus ou moins de cette manière. J’adore.
[7] Je n’ai aucune connaissance en japonais, je le précise au cas où google translate fasse mal son job. Surtout qu’il change de traduction toutes les deux minutes, mais c’est pas grave, c’est de l’imaginaire, alors imagine ! Traduction dans le dialogue suivant.
Tu peux le trouver sur ma boutique en numérique, en broché, et sur Amazon, bientôt sur Kobo.




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